A bord, elle s’est promis de ne plus penser à cette histoire. Il y a des récits si profondément ancrés qu’ils ne laissent aucun répit. Elle savait qu’une fois la frontière passée, les mots ne s’envoleraient pas. Chaque lettre surgit sous ses paupières, le décollage n’est qu’un sursis dans l’étalage des souvenirs insupportables. Manger, écouter, regarder, s’imprégner des images réconfortantes, autant que l’esprit le peut. Et si, à un moment, les nœuds lient le ventre et remontent le cœur jusqu’à la nausée, il y a ses remèdes solides. La famille. La seule à maintenir son cap, la seule à franchir les sommets d’une souffrance trop régulière. Une famille pour oublier le temps qui ronge et la tristesse qui embue les sens. Des êtres formés à l’unisson, comme une voix qui fredonne que même le plus sombre des chagrins brille au matin. Sous les bruits d’un atterrissage tranquille, elle guette le nouveau départ. Ce voyage tant attendu s’annonce comme la révélation d’une page qui se tourne, la prédiction d’un oubli définitif.
Un voyage en remplace-t-il un autre ? Comme les amours perdus, est-il vrai que le sourire s’illumine à nouveau quand une autre destination voit le jour ? On souhaite guérir des trauma internes qui nous paralysent au sol et nous empêchent d’explorer le monde, sans vraiment savoir par où commencer. L’escapade est très intime et les choix sont nôtres, il n’existe pas de bonnes ou de mauvaises manières de vouloir s’en sortir. La notion de développement personnel n’est pas anodine dans la recherche d’un remède. Et si, une fois pour toutes, nous mettions notre vie au centre. Le temps d’apprendre à se serrer la main, à faire notre rencontre. Juste histoire de connaitre l’existence qui veille en nous. Tant d’instants bénis ont été gâchés par des « qu’est ce que je vais bien pouvoir faire de ma vie ?! ». Sans trop mesurer l’ampleur de nos interrogations vaines, nous avons fini par jeter l’ancre dans des eaux immobiles. A force de vouloir un avenir défini, nous n’avons pas posé le regard sur le crayon à côté. Après tout, personne ne dessinera nos envies aussi bien que nous-mêmes. Commençons par ôter les copier-coller et agitons ces couleurs qui ne demandent qu’à éclater.
Anne-So